"La poudre à tout faire" Le Républicain Lorrain 26/02/2012

Cette entrée a été publiée dans 26/02/2012 par Nicolas Opigez.

Le Républicain Lorrain

La poudre à tout faire

par François PRADAYROL
 

La poudre de bicarbonate sert autant à nettoyer sa cuisine qu’à limiter les crampes après l’effort. Photo Fotolia

Le bicarbonate de soude, souvent perçu comme un remède de grand-mère, fait un retour en force dans les foyers français. Ses nombreuses applications et son côté écologique séduisent.

L e s sorciers les plus illustres, les grands manitous de la magie et tous les professeurs Tournesol n’ont jamais inventé produit plus utile. Qui connaît une potion capable de servir à la fois de dentifrice, de shampoing, de remède contre les brûlures d’estomac ou contre les crampes après le sport, de nettoyant efficace pour la cuisine ou la salle de bains, de solution pour faire disparaître l’odeur de cigarette dans la voiture ou encore de déodorant pour que son chien ne sente plus le chien ? Laissé un temps aux oubliettes, la poudre de bicarbonate se refait une place dans les foyers français. Un retour en grâce favorisé par la prolifération de sites internet et d’articles louant ses innombrables applications. « En Europe, le procédé principal pour la fabrication du bicarbonate a été mis au point à la fin du XIX e siècle par Ernest Solvay, explique Nicolas Palangié, qui a été responsable développement pendant une quinzaine d’années chez le géant belge Solvay, plus gros producteur mondial de bicarbonate. Le bicarbonate brut se fait à partir de deux minéraux puisés dans le sous-sol : le calcaire et le sel gemme. Il est ensuite converti en carbonate de sodium, dont une grande partie est vendue pour la fabrication du verre. L’autre partie sert à l’élaboration du bicarbonate par combinaison avec du CO2. » À l’échelle industrielle, la première utilisation du bicarbonate sert à soulager les animaux d’élevage. Le métabolisme des vaches laitières, par exemple, est trop sollicité par les protéines ingurgitées. Les bêtes souffrent alors d’acidose. 200 grammes de bicarbonate par jour permettent d’atténuer ce déséquilibre. Autre usage massif : le bicarbonate sert à neutraliser les fumées issues des incinérateurs et donc à lutter contre le phénomène des pluies acides. On le retrouve enfin dans le domaine de l’alimentation, surtout en pâtisserie où il est utilisé pour alléger la pâte. Les biscuits anglais en sont très chargés, ce qui explique leur vertu digestive. Même si le champion en la matière reste… le spéculoos ! La petite gâterie que l’on trouve au bord de la tasse de café est composée de 2 à 3 % de bicarbonate, un taux déjà énorme. Mais c’est bien pour ses applications simples et quotidiennes que ladite poudre a retrouvé la cote auprès des ménages. En 2010, Nicolas Palangié anticipe son potentiel et lance sa propre entreprise de distribution, la Compagnie du bicarbonate, à Chauny, dans l’Aisne. « J’ai vécu quelques années aux États-Unis et en Italie. Dans ces pays, de nombreuses familles ont une boîte de poudre de bicarbonate à la maison, alors qu’en France les deux dernières générations avaient zappé son existence. Je me suis dit que cela valait le coup de relancer l’intérêt pour ce produit simple et intelligent. » Soins du corps, cuisine, nettoyant multisurfaces, la liste des applications de la poudre à tout faire est sans fin. « Parfait pour nettoyer les plaques de cuisine en vitrocéramique, ce qui représente un enfer habituellement ! », précise Nicolas Palangié. Même pour les sportifs, il existe une utilité : « L’effort physique va entraîner une situation d’acidose. Le bicarbonate, qui est un tampon, rectifie le PH et le ramène vers la neutralité. Un athlète de 70 kg va pouvoir prendre environ 20 g dissous dans l’eau, ce qui lui permettra d’éviter ou de limiter les crampes ». Cette substance a décidément toutes les caractéristiques du produit miracle ! Il n’y a pourtant rien de magique, tout s’explique par les propriétés chimiques du bicarbonate. « Il faut démystifier son utilisation, affirme Nicolas Palangié. Beaucoup de gens ont peur de ce côté extraordinaire, de cette poudre capable de solutionner plusieurs petits tracas du quotidien. » L’ancien cadre supérieur de chez Solvay participe activement à sa vulgarisation. Il a notamment écrit un livre publié l’an dernier chez Eyrolles, Bicarbonate, un concentré d’astuces pour votre maison, votre santé, votre beauté. Il apporte aussi des réponses aux interrogations des curieux sur son blog. Le défi de ces nouveaux promoteurs du bicarbonate est de lutter contre les idées reçues et de rajeunir une image encore trop souvent associée à un remède de bonne femme. Nicolas Palangié argumente : « C’est tout sauf un truc de grand-mère. Nous sommes, au contraire, face à un produit d’avenir qui répond aux enjeux sociaux, économiques et écologiques. J’ai tendance à dire que c’est plutôt un produit de petits-enfants que de grands-parents ! » Les avantages économiques et écologiques sont en effet régulièrement avancés pour séduire les nouveaux consommateurs. Et ça marche : depuis sa création, la société de Nicolas Palangié ne cesse de se développer, malgré les aléas de la crise. « La moitié de mon chiffre d’affaires est issue de la vente de poudre aux particuliers via internet, l’autre moitié de la vente aux professionnels », détaille ce dernier. Ce qui rend les défenseurs du bicarbonate encore plus optimistes, c’est l’intérêt toujours plus vif des scientifiques et des chercheurs pour cette molécule. Les axes de développement paraissent inépuisables et certains d’entre eux pourraient révolutionner plusieurs secteurs, autour des carburants verts ou du stockage de CO2 notamment. Quelques chercheurs s’avancent même sur des chemins controversés ; depuis environ cinq ans, un médecin italien, Tullio Simoncini, développe une théorie selon laquelle le bicarbonate pourrait lutter efficacement contre les causes premières du cancer (la prolifération de champignons, de mycoses dans l’organisme). Une hypothèse jamais validée à l’heure actuelle par une quelconque étude scientifique sérieuse, et qui suscite une violente polémique de l’autre côté des Alpes. Indéniablement, la poudre de bicarbonate retrouve le succès auprès des ménages et concentre l’attention de nombreux chercheurs. Mais l’exemple de la polémique autour du docteur Tullio Simoncini est révélateur : ce produit n’a rien de miraculeux, et ses applications ont tout de même des limites. À ce jour et jusqu’à preuve du contraire, la « petite vache » – comme on l’appelle au Canada où un bovin est dessiné sur la boîte –, ne permet pas de courir le 100 m en sept secondes, ni de rester sous l’eau sans bouteille d’oxygène. Pas encore…
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